MITSUNAGA (TOKIWA)

MITSUNAGA (TOKIWA)
MITSUNAGA (TOKIWA)

À la fin du XIe siècle, la puissance des Fujiwara commença à décliner. Depuis le Xe siècle, les chefs de cette grande famille, prenant le titre de régents, avaient dominé la cour et contraint leurs gendres impériaux à abdiquer de bonne heure en faveur de leurs fils et à se retirer dans un monastère (insei ). Voulant alors retrouver leur autorité et restaurer le pouvoir personnel que leurs prédécesseurs avaient établi à la fin du VIIIe siècle, les empereurs, tout en faisant introniser leur fils encore enfant, conservaient le pouvoir politique. Les monastères où ils résidaient devinrent des cours très brillantes, avides de nouveautés, poésies, danses, musiques populaires, et sensibles à l’exotisme des produits chinois. Le peintre Tokiwa Mitsunaga travailla dans un de ces monastères, le Saish 拏koin, fondé par un empereur mécène, Go-Shirakawa.

Go-Shirakawa et le «Nenj size=5 gy size=5拏ji»

Au milieu du XIIe siècle, l’empereur Go-Shirakawa (il régna de 1155 à 1158 et mourut en 1192) s’efforça de poursuivre son propre jeu politique, en dépit des luttes entre les guerriers Minamoto et Taira et des prétentions des Taira vainqueurs à prendre la place des Fujiwara. Comme ses prédécesseurs, le dernier des insei fut un grand amateur d’art et fonda de nombreux monastères bouddhiques.

Alors que les Taira, ainsi qu’en témoignent les Heike no ky 拏 , rouleaux du Hokke ky 拏 (s tra du Lotus de la Bonne Loi ) richement décorés, restaient fidèles à l’art traditionnel, Go-Shirakawa paraît avoir favorisé des tendances nouvelles.

Soucieux de renouer avec les traditions d’antan – il fit revivre plusieurs cérémonies de cour depuis longtemps oubliées –, il chargea un artiste de représenter ces cérémonies en une série de rouleaux enluminés. Ainsi fut créé le Nenj gy 拏ji e-maki (Cérémonies annuelles de la cour ), qui comportait un grand nombre de rouleaux. Précieusement conservés jusqu’en 1331 au Renge 拏-in à Ky 拏to avec les autres peintures ayant appartenu à Go-Shirakawa, ces rouleaux furent ensuite transportés au palais impérial, d’où ils disparurent en 1661 dans un incendie. Quelques années auparavant, l’empereur Go-Mizuno-o en avait fait faire une copie par un peintre de la famille Sumiyoshi, alors attachée à l’atelier impérial. Une partie de ces copies (sept rouleaux en couleurs et huit en noir et blanc) s’est transmise de père en fils dans la famille Sumiyoshi et appartient aujourd’hui à la collection Tanaka de T 拏ky 拏. D’autres fragments, de provenance inconnue, sont conservés à l’université de Ky 拏to et dans diverses collections. Bien que fort incomplètes, ces séries constituent une documentation de grande valeur pour l’étude de la fin du XIIe siècle (entre 1155 env. et 1177). Non seulement les festivités de la cour (cérémonies du premier de l’an, banquets officiels, danses et tir à l’arc) y sont représentées, mais on y trouve aussi les fêtes plus populaires des monastères et des sanctuaires shint 拏 de la capitale. Ainsi, auprès de scènes bien ordonnées à l’intérieur du palais, se déroulent des épisodes plus violents où la populace joue le premier rôle. De nombreux édifices du palais impérial y figurent, tandis que les scènes de rues, scandées par des allées d’arbres, sont animées d’un mouvement qui contraste avec les attitudes figées du Genji monogatari e-kotoba .

Selon le colophon des rouleaux de la collection Tanaka, l’auteur serait un certain Mitsunaga.

Un peintre de la cour

On retrouve la même indication dans un texte de 1549 qui cite l’artiste Mitsunaga Hideyoshi. Désireux de montrer que leur rôle dans l’atelier de la cour remontait au XIIe siècle, les Tosa, à l’époque Edo, s’étaient annexé ce peintre en en faisant un Tosa Mitsunaga. Mais l’on sait, à présent, que les Tosa ne sont apparus que plus tard. Des études de textes très poussées ont permis au professeur Fukui Takayoshi de restituer le véritable nom du peintre. Il s’agit de Tokiwa Mitsunaga. En 1173, il fut désigné pour décorer les portes à glissière du Saish 拏ko-in, monastère édifié par Go-Shirakawa pour son épouse Kenshun-mon-in. Il y avait représenté les visites de l’impératrice aux sanctuaires de Hie et de Hirano et celle de l’empereur au Koyasan, en collaboration avec Fujiwara Takanobu (1145-1206), artiste renommé pour ses portraits «à la ressemblance» (nise-e ). Dans son journal intime, Fujiwara Kanezane (1147-1207), l’un des ministres de l’époque, relate l’indignation des courtisans quand, lors de l’inauguration du Saish 拏ko-in, ils se virent représentés sous des traits caricaturaux; il exprime sa satisfaction, n’ayant pas participé aux visites impériales, de ne pas figurer dans ces peintures. Mitsunaga est encore cité dans le journal intime de Yoshida Tsunefusa, qui fut un des chefs des gardes impériaux (kebishii ); Mushakoji Minori a émis l’hypothèse de l’appartenance de Mitsunaga à cette garde impériale. Celle-ci était composée de cadets de grandes familles qui ne pouvaient accéder à un rang élevé dans la hiérarchie aristocratique. Réduits alors à un rôle purement cérémoniel, peu fortunés, les gardes, pour vivre et pour tenter d’être admis dans des cercles plus fermés, mettaient à profit leurs talents de poètes, de calligraphes ou de peintres. Leur rang inférieur leur permettait d’être en relation avec les artisans de la capitale. Cette position intermédiaire favorisait leur connaissance des mœurs de la cour, des bâtiments impériaux, des armures de la garde et de la vie populaire, dépeints avec une grande fidélité.

On observe le même souci d’exactitude et le même mouvement dans une œuvre contemporaine, le Ban Dainagon e-kotoba , que certains veulent attribuer à Mitsunaga. On y retrouve des scènes de rue, des mouvements de foule auxquels se mêlent des kebishii , en même temps que des intérieurs aristocratiques où les visages des femmes sont traités de façon très réaliste. Les cortèges de cavaliers sont également scandés par des allées d’arbres. Bien qu’il soit difficile de comparer un original avec des copies tardives, les traits semblent plus fins et plus souples que dans le Nenj gy 拏ji .

Il semble impossible de conclure. Tout au plus peut-on estimer que ces deux œuvres appartiennent à un même courant et reflètent les années difficiles qui virent se jouer le destin d’une aristocratie efféminée et la victoire des guerriers Minamoto parvenus au pouvoir en 1185.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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